Homélie du dimanche : Aime-toi et le Ciel t'aimera
Belle journée, beau week-end, belle vie.
Elle sort faire quelques courses, enfile pour l'occasion un tee-shirt mal coupé et un sweat à capuche, un jean large qui lui tombe sur les fesses.
En longeant le trottoir elle regarde sans les voir les boutiques qui bordent la place. Café, papeterie, magasin de vêtements, coiffeur, restaurant...
Oh mon Dieu !!!!!
Mais qu'est-ce que c'est que cette horreur ?!
Là, dans une glace accolée à une porte, une femme sans âge la dévisage d'un air hagard. Sans âge, ce n'est pas le mot exactement. On pourrait plutôt dire une femme qui commence à être âgée, avec ses cernes, ses kilos en trop qui empâtent sa silhouette et son cou. Et ses cheveux sans coupe, même si elle payé très cher il y a quelques semaines pour cette non coupe. Le tout rehaussé par des fringues "sac à patates".
C'est son reflet. C'est elle. Ce que les autres voient d'elle. Ce qu'elle donne à voir aux autres. Parfait.
D'un coup son enthousiasme en prend un coup. Mais comme depuis quelque temps elle s'interdit de négativiser plus de 2 minutes d'affilée, elle fait trois pas en arrière et rentre chez le coiffeur.
Une jeune nana, cheveux jaunes en pétard mal peignés, l'accueille avec le sourire.
"Bonjour, c'est pour quoi ?
-Ben... Euh, une coupe...
-Ah oui ! C'est vrai que là... (oeil critique)."
Trente minutes plus tard, la voilà donc, emballée dans une blouse framboise, les cheveux mouillés dégoulinant sur ses épaules, devant une glace qui lui renvoie une image encore pire que tout à l'heure. La coiffeuse aux cheveux jaunes arrive, ciseaux à la main.
"Bon alors je vais vous dire, madame, vous êtes une très belle femme, mais là ça ne va pas du tout. Il ne faut pas se laisser aller comme ça. Vous avez tout pour vous et voilà, pas de fringues, pas de maquillage, pas de coupe... Vous avez eu des enfants, c'est ça ?
-Euh... Non...
-Ah. Ben alors c'est encore plus grave. Parce que là, franchement, vous vous aimez pas. Hein ? Dites-le, que vous vous aimez pas. Et si vous vous aimez pas, comment voulez-vous que les autres vous aiment ?
- Je... Oui, je me suis peut-être un peu laissée aller ces derniers temps, mais justement, là j'en ai marre alors je prends les choses en main et on commence par les cheveux.
-Ah, ça c'est bien, très bien, bonne attitude ! Allez, on va vous transformer tout ça, ça va être de la bombe ! Et après, vous filez acheter un petit dessus sexy. Faut y mettre un peu du vôtre aussi !"
Elle se dit qu'elle a de la veine d'être tombée sur une coiffeuse psychanaliste et que si elle l'avait rencontrée plus tôt, ça lui aurait fait faire des économies. De coiffeur et de psy.
Tchik tchik tchik. Ca coupe dans la longueur, les épaules se dégagent.
Tchik tchik tchik tchik. Ca dégrade au niveau de l'ovale du visage.
Tchik tchik tchik tchik tchik. Ca allège sur le dessus.
"Vous voulez plus court ?
-Je sais pas... Vous en pensez quoi, vous ?
- Plus court.
-Bon ben allons-y alors..."
Tchik tchik tchik tchik tchik tchik tchik tchik.
Dans la glace, les yeux semblent un peu agrandis, mais résignés en même temps. Ca finit toujours par repousser. Non ?
La coiffeuse est en transe.
Elle sort le sèche-cheveux, la brosse ronde.
Et là le miracle s'accomplit. En quelques minutes, la coupe apparaît, les cheveux se mettent en place.
Dans la glace, une jeune femme dynamique d'une trentaine d'années sourit et se dit qu'elle va vite foncer chez elle mettre du mascara à ses cils et du gloss à ses lèvres, avant d'aller faire chauffer sa carte bleue au rayon des petits dessus sexy.
Et du coup elle est vraiment décidée à ne se nourrir que de salade verte et de fromages blancs à 0% jusqu'à ce qu'elle puisse enfin remettre le fameux "jean étalon", qui prend la poussière depuis 4 ans dans son armoire.
En sortant de là, elle marche les épaules droites. Un type en voiture s'arrête et lui fait signe de traverser la rue avec un grand sourire.
La coiffeuse n'est pas psy. Elle bosse pour Le Grand Patron. Lui. IL.
Pas d'autre explication.
Rose