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Le syndrome de l'hibiscus
26 octobre 2011

Testé pour vous : "Vous voulez un café?"

Aujourd'hui, un petit souvenir aussi lamentable qu'embarrassant, datant du temps de ma splendeur journalistique. Enfin, une splendeur sur le déclin, quand même...


Rendez-vous au commissariat pour la tournée de faits divers. Un nouvel inspecteur est dans la place. Présentations polies, une touche de méfiance de part et d’autre. Ce n'est pas la situation idéale : je veux obtenir des infos sur une affaire délicate, j’ai intérêt à la jouer fine.

café« Vous voulez un café ? ».
Nous y voilà. Le café. Je déteste le café. Je suis une théinomane. Mais cette fichue tasse de café, c’est un rituel social impossible à contourner. Accepter, c’est accepter ce qui vient de l’autre, c’est accepter aussi d’entrer dans son jeu. Refuser, c’est corrompre la base de toute discussion future, inconsciemment mais inéluctablement. Riez tant que vous voulez, je sais que j’ai raison. Je l’ai testé à maintes reprises pendant 12 ans et me suis forcée à avaler des litres de cette saloperie amère et surexcitante pour répondre positivement à la demande de mes interlocuteurs, donc les satisfaire, donc les détendre, donc débuter l'entretien dans de bonnes conditions.

Aussi, devant le nouvel inspecteur interrogatif dont j'attends beaucoup, je réponds avec un sourire aussi large que faux :

« -Oui merci, avec plaisir ».

Et voilà mon inspecteur qui s’affaire, empoigne une tasse et un sucrier, harponne le bol de la cafetière  glougloutant au fond de la pièce et vient me verser un seau de liquide noirâtre sous le nez.

Puis il s’assoit et me dit :

« Vous m’excuserez, je ne vous accompagne pas, j’ai horreur du café ».

D’accord. Bien joué.

« Euh, en fait, moi non plus je n’aime pas ça », je dis piteusement après une hésitation.

« -Ah bon… Mais pourquoi vous m’avez dit oui ? 

-Euh… A cause de la convention sociale ? », je hasarde. En face, les sourcils de l’inspecteur se froncent. Et me voilà partie à bredouiller une explication vaseuse sur l’importance d’accepter un café pour entrer dans le moule et les sourcils se froncent de plus en plus. Le collègue qui tapouillait sur son clavier au bureau d’à côté s’arrête et s’incruste silencieusement dans la scène. Pourquoi ai-je soudain l’impression qu’un panneau lumineux « GOURDE ! » clignote sur mon front ? Pour me donner une contenance, j’empoigne la tasse.

« -Mais ne le buvez pas si vous n’aimez pas ça ! », s’exclame l’inspecteur, en levant les yeux au ciel.

« -Ah, euh, oui… Mais bon, c’est-à-dire, maintenant qu’il est versé… », je fais, en reposant la tasse dont une bonne partie gicle sur la table.

Pour l’image de la professionnelle sérieuse à qui on peut confier des infos sans inquiétude, je repasserai.

Ce jour-là, la pitié l’a emporté : après avoir épongé le café, l’inspecteur m’a donné les renseignements que j’étais venue pêcher…

Alors, vous voyez, on n'en meurt pas. Et même, on peut en faire une chronique, après digestion !

Rose

 

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